UNEQ, l’union à refaire

[Ce texte a été publié sur les plateformes numériques du journal Le Devoir, le 3 avril 2023.]

L’assemblée générale du 29 mars dernier de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) a été un désastre. Mettons de côté les incivilités commises par un petit nombre et essayons de mieux comprendre la division interne dont témoigne le vote. La proposition de prélèvement d’une cotisation syndicale a été rejetée et la vente de la Maison des écrivains a été approuvée. Les résultats serrés constituent toutefois un indice de plus de l’existence, au sein de l’UNEQ, de deux conceptions divergentes du métier d’écrivain aujourd’hui.

Écrivain et syndiqué, une contradiction dans les termes?

La nouvelle loi définissant le statut professionnel des artistes (S-32.1) investit l’UNEQ de nouvelles responsabilités, notamment la négociation d’ententes collectives avec les éditeurs. En vertu de la loi, l’UNEQ a le mandat de défendre les intérêts de tous les artistes de la littérature. Il serait donc logique que ces derniers versent une cotisation au syndicat. Cela s’avère nécessaire pour assurer à l’UNEQ les moyens de remplir sa mission. Il s’agirait aussi d’un geste concret des artistes pour manifester leur appui à leurs représentants, ce qui pourrait améliorer le rapport de force en leur faveur dans le cadre des négociations. La stratégie de l’UNEQ répondait à cette logique et plus de 40 pour cent des participants à l’assemblée du 29 mars y ont adhéré. Par contre, et cela étonne, la proposition a été rejetée par une majorité.

On peut penser que l’opposition d’une partie des membres à la cotisation relève d’une attitude radicalement individualiste. Dès lors, pas question pour ces auteurs de partager leur revenu, ne serait-ce qu’à hauteur d’un infime pourcentage. Toutefois, une telle position ne peut être attribuable à la majorité des opposants. On peut déceler une toute autre source de désaccord à la lumière de nombreuses interventions, tant dans l’espace public ces derniers mois que lors de l’assemblée du 29 mars. De l’ensemble de ces propos, il se dégage clairement une conception romantique de l’écrivain, laquelle distille une aversion pour l’idée même de syndicat.

Une des réticences maintes fois exprimée concerne le mélange de l’ivraie et du bon grain. Plusieurs se sont offusqués d’être associés, par l’entremise d’un syndicat, à des auteurs de livres qui ne seraient pas des œuvres littéraires. Entre autres, Monique LaRue considère que la défense des auteurs au sens large devrait relever d’une autre association que l’UNEQ (Le Devoir, 30 décembre 2022). Yvon Rivard déclare pour sa part : « je résiste à l’idée qu’écrire soit un métier comme les autres » (Le Devoir, 7 janvier 2023). Lors de la fatale assemblée, il a été suggéré que si la plupart des écrivains avaient obtenu, grâce à leur talent, des contrats convenables, l’UNEQ devrait s’occuper de négocier de meilleures conditions pour les défavorisés. Certains ont par contre fait valoir que la solidarité n’était pas du ressort des écrivains.

La maison des écrivains, une bouée symbolique

La vente de la Maison des écrivains a été appuyée par une très mince marge, témoignant encore de la fracture au sein de l’UNEQ. Concernant la maison elle-même, tous sont à même de constater qu’elle n’est pas le lieu idéal pour la promotion de la littérature. Les événements publics y sont à l’étroit et les possibilités de réaménagement sont fort limitées. Si l’on ajoute les besoins en locaux requis par les nouvelles responsabilités de l’UNEQ, rien ne va plus.

Pourtant, ces considérations pratiques paraissent n’avoir aucune pertinence pour les écrivains opposés à la vente. Tous leurs commentaires s’harmonisent avec la phrase qui aurait été prononcée par Jacques Godbout affirmant que « vendre la Maison des écrivains c’est vendre son âme ». Voilà en effet ce que veulent préserver une partie des écrivains québécois : un monument à l’image romantique de l’écrivain. C’est pourtant d’un autre type de maison dont nous avons besoin. Il manque à Montréal une véritable institution de promotion de la littérature dans toute sa diversité. Une telle maison de la littérature devrait être soutenue et animée non seulement par les écrivains, mais par tous les acteurs concernés.

Reconstruire l’UNEQ

Pour le moment, une majorité de membres de l’UNEQ a désavoué le projet d’instauration d’une cotisation syndicale. Le conseil d’administration, en démissionnant en bloc, admet avoir failli à convaincre de la pertinence de sa vision. Pour refaire notre unité, il faudra opérer les distinctions qui s’imposent et assumer la diversité.

Il y a évidemment des différences entre les auteurs et entre les œuvres. Ces différences qualitatives sont l’objet de débats et il est sain de les mener. Mais cela ne peut pas entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de veiller à assurer des conditions de pratique décentes pour tous. Celles et ceux qui se situent à la base de la chaîne du livre ne peuvent pas en être le maillon faible.

Commentaires

  1. Bonjour Gérald,
    Merci pour votre habile article dans Le Devoir sur l’Uneq et la mémorable assemblée – j’ai dû abandonner autour de 22 h 20, avant le premier vote, l’électricité manquant après un coup de tonnerre dans le ciel de Sutton, au moment même où le mot « error » est apparu sur mon écran ! Synchronicité. Je suis restée debout bras ballants, puis je suis allée me coucher. Je suis d’accord avec votre vision de l’affaire et j’ai hâte de voir qui aura le courage et l’audace de s’avancer pour reprendre le gouvernail.
    Il y a un élément qui ne fut jamais amené dans les discussions ou les textes : en général (depuis la nuit des temps), les auteurs reçoivent un petit 10%… y prendre 2,5% ramène la paye à 7,5%, c’est bien triste. Nulle part, il a été question de tenter de négocier le célèbre 10%, de le bonifier … 11%, 11,5%. Aussi, il fallait parler d’un plafond pour les auteurs qui vendent de nombreux exemplaires… enfin. Je me sens bien impuissante.
    Chaleureuses salutations
    Votre site Internet est vraiment beau.

  2. Merci Diane pour votre commentaire posé. Ça fait du bien.
    J’entends bien dans vos mots qu’une nouvelle direction doit poursuivre le travail, mais, surtout, que nous devons discuter sereinement entre nous pour construire le consensus. C’est ce qui a manqué avant de demander aux membres de voter et qui devra maintenant être fait. Il n’est pas trop tard.
    Je suis d’accord aussi que la société québécoise a les moyens de donner à ses auteurs plus que 10% sur les ventes. En effet, par l’entremise des éditeurs, une demande d’augmenter le pourcentage de nos droits touche plus large.
    En passant, il y a une erreur de calcul dans votre message et ce genre d’erreur fait paraître la cotisation proposée plus importante qu’elle l’est en réalité. Vous dites qu’en payant une cotisation de 2,5% on ramènerait nos droits de 10% à 7,5%. Ce n’est pas exact. Prenons un exemple. Disons que sur des ventes de 50000$, vous touchez 10%, c’est-à-dire 5000$. C’est sur ce montant de 5000$ que vous payez une cotisation, donc 125$. La cotisation réduit le taux à 9,75% et non à 7,5%, ce qui est très différent. L’erreur est peut-être courante. Il sera important de s’assurer qu’il est bien clair pour tous que la cotisation de 2,5% est prélevée sur le montant des droits et non sur le montant des ventes.
    Merci encore de vous être manifestée ici et au plaisir!
    Gérald

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